L'école des chiots
Les chiots peuvent quitter leur mère vers 7 semaines pour être adoptés. Le manque de toute communication avec les autres chiots et les chiens adultes est une perte considérable pour le développement de leur sociabilité. Vivre avec des humains est une bonne chose, indispensable pour le chien de famille, mais c’est insuffisant. Vivre avec des chiens est tout aussi indispensable au chiot que d’être entouré d’humains. Mais comment faire?
Rassembler les chiots
Il est impossible pour chaque famille d’adopter de nombreux chiens pour entretenir la socialisation du chiot à ses congénères. Certains éleveurs font des “ parties ”, des fêtes, et rassemblent les portées qui s’étaient éparpillées aux quatre coins cardinaux. Mais ces rencontres occasionnelles ne sont pas suffisantes. Sans contact assidu, sans contact hebdomadaire, les chiots perdent de leurs compétences sociales.
Les cours de récréation
Pouvoir rassembler les chiots deux fois par semaines pendant une à deux heures dans des lieux protégés, clôturés, pour leur permettre de s’ébattre est une opportunité extraordinaire. Non seulement ils pourront courir, mais ils auront aussi l’occasion de se familiariser à de nombreux types de chiens d’âges différents. Sans cela, ils pourraient développer des… racismes. Les chiots qui ne côtoient que certaines races canines de même gabarit ne s’accoutument pas aux autres types de chiens et développent parfois des comportements d’agression ou de crainte face à eux.
Des chiens adultes dans l’école des chiots
Cependant, et c’est une erreur éducative fréquente, laisser des chiots s’ébattre seuls sans contrôle est maladroit. Une chienne ne laisse pas ses chiots seuls très longtemps. La meute est toujours présente à proximité des chiots. Et les adultes interviennent pour régler les conflits naissants et imposer à tous un contrôle des mouvements et des morsures. Voilà pourquoi je conseille la présence d’un chien adulte pour 5 à 10 chiots. Ce chien adulte sera mâle ou femelle, qu’importe ; il ou elle sera un bon éducateur.
Qu’entend-on par un chien adulte bon éducateur ?
Le chien adulte bon éducateur est celui qui s’amuse, ne s’énerve pas, est patient et tolérant, mais ferme en même temps. Il corrige les chiots un par un, les retourne sur le dos, les calme. Les chiots le respectent et se soumettent, l’approchant avec une posture basse ou se retournant spontanément à son arrivée. Mais dès que soumission et allégeance ont été faites, le chiot et le chien adulte jouent ensemble. Le chiot peut même inventer et diriger le jeu.
Socialiser, habituer...
Dans cette ambiance de fête et de jeu, les chiots seront socialisés non seulement aux chiens mais aussi aux personnes, aux divers milieux et leurs nombreux stimuli variés. Ils seront habitués progressivement aux bruits de voiture, aux bicyclettes, aux bruits crépitants de bille dans une boite en fer, aux explosions de pétards et de pistolets d’enfants. Des balades en ville après un apprentissage de la tolérance de la laisse permettent une habituation précoce aux bruits, odeurs et animations urbaines. Des balades à la campagne habitueront les chiots aux animaux de la ferme, excellente prévention contre la chasse à la volaille et à l’agression irraisonnée contre vaches et chevaux. Un chiot habitué à des environnements variés est plus adapté à toute modification imprévisible de son environnement adulte. Imaginez...! Imaginez que vous déménagiez près d’un aéroport ou que vous quittiez la ville pour vous installer avec chien et bagages à la campagne, ou que vous quittiez la campagne reposante pour vous installer dans un appartement dans une ville bruyante ? J’ai longuement développé ces sujets dans “ L’éducation du chien ” et je vous y envoie pour plus de détails.
L’école des ados
L’école des chiots se poursuit par celle des chiens plus grands. Avant d’entrer dans l’âge adulte, le chiot passe par l’adolescence, période de crise par excellence. A ce moment, plus encore qu’à tout autre, le jeune chien devient querelleur, houspille les adultes et challenge leur statut de dominant, et se fait réprimander. Certains éducateurs empêchent les chiens adultes de réprimander les jeunes. C’est une erreur. C’est grâce à la réprimande que le chien juvénile apprend à utiliser les postures de soumission qu’il a apprises étant chiot. La posture de soumission stoppe l’attaque d’un chien adulte. Après plusieurs conflits perdus, l’adolescent fait l’économie de futurs combats. Il se tient coi. Et il restera ainsi calmé jusqu’à l’âge adulte. A ce moment l’envie de houspiller les dominants le reprendra. Si on empêche que le combat se termine, il n’y a ni vainqueur ni vaincu. En fait, il n’y a pas de perdant mais il y a deux gagnants. Le chien adolescent gagne le conflit et comprend que la présence d’un humain est synonyme de victoire. Dès lors le combat suivant sera plus intense, et le suivant pire, jusqu’à ce qu’aucune posture ne parvienne plus à résoudre le conflit. A ce moment les chiens s’entredéchirent.
La présence indispensable d’un chien adulte.
Et je reviens avec cette notion que je crois fondamentale. Un chien adulte, bon éducateur, qui ne se laisse pas impressionner par les chamailleries et les escarmouches proposées par les adolescents, est un atout de taille dans l’éducation sociale des juniors et l’apprentissage du respect du monde des adultes, qu’ils soient chiens ou humains.
Choisir une école d’éducation
Mon choix se porte de la façon suivante. Je vais voir. Je m’arrête à l’entrée et j’écoute. Si j’entends crier, si les ordres sont donnés à forte voix, je préfère m’en aller. Pourquoi les chiens ne pourraient-ils pas obéir à voix normale ? Je crois qu’ils en sont capables. La voix forte est prise pour de l’autorité ; elle n’est que le témoin de l’agressivité de l’éducateur. Je fais une grande différence entre agression et assertion, qui est la capacité de s’affirmer, de donner son avis ou une commande, sans agresser. Une fois que j’ai trouvé une école où l’on parle à voix normale et intelligible, je regarde la technique d’éducation. Mon critère est le suivant : est-ce que tout le monde s’amuse ? Si c’est le cas, la technique de base est le jeu et la récompense. J’examine aussi les corrections, parce qu’il en faut, contrôlées et efficaces, et qui n’altèrent pas l’ambiance de jeu. Je crois que l’époque de l’éducation coercitive, punitive, du chien est révolue.
Joël Dehasse